Sujet épineux, surtout quand on parle de très jeunes enfants ! D’ailleurs, peut-on véritablement parler de « harcèlement scolaire » avec des enfants de moins de 6 ans ? En ce qui mon concerne, je dirais que NON. Je n’emploierais pas ce terme là. Pourquoi ? Parce que tant que l’enfant n’a pas encore développé ses fonctions cognitives (le neocortex et le cortex préfrontal), il n’est pas en mesure de prendre le recul suffisant sur ses agissements. Il n’est pas capable de se raisonner comme un adulte. Par ici mon billet sur les étapes du développement du cerveau de l’enfant qui, je l’espère, vous permettra de mieux appréhender le comportement de nos enfants. De comprendre les impacts de cette immaturité cérébrale sur leur manière d’agir ou de réagir face aux événements du quotidien.

Dure dure la vie d’écolier
Alors, pourquoi parler de « harcèlement scolaire » maintenant alors que mon enfant vient tout juste de fêter ses 5 ans ? Parce que si, aujourd’hui, ses camarades et lui n’ont pas la possibilité de prendre le recul suffisant pour se maîtriser ou se défendre en cas de situations conflictuelles, ils devront être prêts, plus tard, à faire face à de tels événements. Papa et maman seront là, en renfort, bien sûr. Mais, nous ne pourrons pas toujours « défendre » notre enfant au moment de l’événement. Raison pour laquelle j’ai commencé à travailler, avec mon cinquans, sur quelques leviers de prévention contre le harcèlement.
Et comme ces leviers ont porté leur fruit, de manière bienveillante (il n’est évidemment pas question de nuire à qui que ce soit), je voudrais partager avec vous quelques unes de ces bonnes clés. Ça vous intéresse ? Si oui, je vous embarque. C’est parti.

Allez viens, je t’emmèèène !
Tout d’abord, pour ceux qui ne me connaissent pas encore, il faut savoir que j’ai plus de 20 ans d’expérience dans la communication. Et qu’avec ce bagage, plus toutes les études comportementales auxquelles j’ai eu accès toute ma carrière, il y a une chose fondamentale que j’ai apprise pour bien communiquer, c’est que pour convaincre il faut d’abord être convaincu soi-même. Il faut croire en soi, ce que l’on pense et ce que l’on dit. Alors, vous serez convainquant. Et bien c’est pareil pour nos enfants.
Tout notre corps doit exprimer la confiance en nos propres propos. La posture et la parole doivent faire BLOC. Rien qu’avec ça, je me suis sauvée moi-même de bien des situations délicates avec des agresseurs potentiels. C’est un peu comme un bras de fer parfois. C’est à celui qui fera douter l’autre en premier. La consigne première est de ne rien lâcher, de camper sur sa conviction de bien faire et de ne pas montrer que l’on est destabilisé. Alors je vous le concède, entre adultes, ce n’est pas chose aisée. Mais entre enfants, ça marche assez facilement. Rien qu’en ayant la certitude de bien faire et de bien dire, sans montrer de peur, ils peuvent mettre fin à une situation compliquée ou même la désamorcer avant même qu’elle ait commencé.

Pas de nuages à l’horizon
1- Le renforcement positif
Donc, vous l’aurez compris, la première clé est de valoriser l’enfant, de lui donner confiance en lui. Il faut lui dire qu’on l’aime et qu’on sera toujours derrière lui mais qu’il est fort aussi ! Et qu’il a la capacité de se défendre seul face à un camarade un peu trop taquin. Il faut lui dire également, qu’on a confiance en lui et qu’il a le droit ne pas être d’accord. Qu’il a le devoir de le dire même ! Que sa parole compte, ainsi que son avis. Il faut donc renforcer sa confiance et son estime de lui.
2- Reconnaître les mauvais comportements
Ensuite, il faut lui apprendre à reconnaître les agissements déplacés. Il faut les nommer. Pourquoi est-ce important ? Parce que beaucoup d’enfants se défendront d’avoir agi « pour rire » et que l’enfant chahuté pensera que c’était bel et bien « pour rire » (coucou Hanounananère et sa détestable manière de faire). En tant qu’adultes responsables, nous sommes les repères de nos enfants. Si nous disons à notre enfant que « non » se moquer n’est pas drôle, que « non » chahuter » un copain n’est pas pour « rire », que « non » on ne bouscule pas, on ne tape pas, on n’humilie pas, parce que c’est mal et que ce n’est pas sans conséquence, alors nos enfants seront capables de reconnaître les mauvais comportements, de ne pas les encourager et surtout de ne pas les accepter.
3- Repéter avec son enfant
Et ce qui marche encore le mieux pour aider son enfant à prévenir le « harcèlement », c’est encore de répéter avec lui, à la maison, une situation conflictuelle, de l’aider à verbaliser ce qu’il ressent et ce qu’il pourrait répondre pour se défendre. On répète comme au théâtre ! On se met dans la situation. L’enfant trouvera la démarche stimulante, parfois amusante, si bien qu’il se sentira en position de force (la posture sera bonne), le moment venu de mettre en application ce que vous lui aurez appris. Et, il y a une forte probabilité pour qu’il obtienne alors de bons résultats.
4- Exemples de réussites
Et que dire, alors, à son enfant pour l’aider à prévenir toute tentative de « harcèlement » ? J’ai toujours cru en deux formidables outils que nous avons maintes fois utilisés chez nous et même recommandés dans notre entourage. Deux leviers puissants et qui ont porté leur fruit : L’AMOUR comme épée ainsi que l’HUMOUR comme bouclier. Alors bien sûr, je vais vous citer, ici, des exemples concernant des enfants de moins de 6 ans.
Un premier exemple qui me vient en tête est cette fois où une maman de mon entourage, plutôt contrariée, m’avait raconté, qu’un enfant de 3 ans s’était moqué de son enfant également âgé de 3 ans, à la garderie. Que le premier, un petit garçon avec les cheveux roux, avait dit à son fils, qui a la peau foncée, « Toi t’es caca ! ». Elle était plutôt fâchée et pensait que son fils devait lui répondre quelque chose d’un peu près similaire du genre « Et toi t’es carotte ! ». Je lui ai proposé une alternative, à mon sens, plus adaptée et surtout moins dénigrante. Je lui ai proposé d’apprendre à son fils à répondre « Non ! moi je suis caramel et toi t’en auras pas ! ». Pour des petits de 3 ans, pas la peine d’aller chercher plus loin. La réplique surprend, donne confiance à celui qui la prononce et suffit à stopper les ardeurs de l’autre petit.
Un autre exemple concerne mon propre enfant alors âgé de 4 ans. Mon titi avait, en effet, décidé de dénoncer un petit copain d’école, à la maîtresse, qui avait tendance à le bousculer un peu trop souvent et qui s’en était pris de nouveau à lui. Or, le petit camarade, questionné par la maîtresse, nia tout ce que mon fils lui reprochait. Et mon mini me raconta, le soir, comment ce petit polisson avait tout réfuté… ce qui avait, bien évidemment, agacé mon enfant. Aussi, je lui proposai un jeu de rôle dans lequel il serait son copain « qui ment » auquel je choisis de répondre « Ooooh comme c’est mignon un petit Pinocchio qui ment, mouah mouah mouah (des bisous) ! ». Il trouva la réplique très drôle et la ressortit précisément, le lendemain, à ce copain qui rougit très fort et s’éloigna avec un petit cri de gêne !
Un dernier exemple concerne, là aussi, une autre maman de l’école de mon enfant. Elle m’avait raconté qu’un petit copain s’était moqué de son enfant de 5 ans parce qu’il avait ramené à l’école un sac de couleur « rose ». Aussi, je décidai de faire une petite expérience avec mon fiston. Un matin, je lui remis une pochette « rose » avec l’herbier que nous avions fabriqué, à la maison, pour le montrer à sa maîtresse. Et je lui fis remarquer la couleur de la pochette en lui disant qu’il était possible que quelques copains se moquent de lui parce qu’elle était « rose ». Je lui fis répéter alors ce qu’il pourrait répondre aux petits moqueurs « Ouiii bravo, tu as reconnu que c’est rose comme tes petites joues et tes petites fesses ! ». Et, je le vis prendre le chemin de sa classe, confiant, conquérant même… bref très à l’aise !
Vous avez compris ! L’humour comme bouclier. Sans agressivité, sans colère, sans pique ou besoin de blesser.

Wazaaaa !
5- La boucle vertueuse
Et plus mon enfant apprend à reconnaître et neutraliser les mauvais comportements, plus il prend confiance en lui et plus il en impose. Il se sent fort, il croit très fort dans ses répliques et, du coup, il est cru ! Et c’est ainsi que petit à petit, son estime de lui grandit et je l’espère aussi toutes les ressources en lui qui lui permettront de prévenir, plus tard, le harcèlement scolaire.

« Super-écolier » in training
J’espère que ce billet vous a plu ou du moins intéressé. Il est possible, dans un avenir plus ou moins proche, que je revienne sur le sujet quand mon titi aura grandi. J’aurai alors plus de recul sur le sujet de par de notre expérience et de par mes futures lectures.
En attendant, je vous recommande « J’aime les autres, les bonnes relations à l’école » de Catherine Verdier, aux éditions du Rocher, qui focalise l’attention sur 3 leviers très intéressants et efficaces, les trois « E » : Les émotions, l’estime de soi et l’empathie. Des clés qui rejoignent les techniques que j’ai proposées.

… parce que je les comprends et que je m’aime aussi !
Ah oui, une dernière chose… Lorsque j’étais au collège, j’étais plutôt bonne élève, timide, et gentille (bien que déjà déterminée). Vous voyez le parfait trépied pour les élèves en mal de popularité qui trouvent en vous un appui idéal pour se hisser. J’ai donc fait les frais de moqueries et d’humiliations aussi. Mais vous savez, personne n’est parfait. Et je crois que cela m’a permis d’être qui je suis aujourd’hui. Puis, la vie vous « venge » toujours d’une certaine manière qui touche au coeur vos détracteurs sans que vous ayez besoin de rien faire. J’ai appris à passer mon chemin et surtout à ne pas me laisser diminuer par les « abus » des autres. J’en ai fait une force même. J’ai pu développer des compétences et des connaissances sur le développement personnel, les besoins fondamentaux, les relations entre les personnes, les potentiels et les limitations individuels, et la communication au sens large du terme qui m’ont beaucoup aidée dans ma profession (voir ma bio à ce sujet). #PowerInside 😉
Et vous, comment gérez-vous ? Faîtes-vous également de la prévention contre la harcèlement scolaire ?
Allez, venez commenter et partager votre expérience sur le sujet…
Une belle soirée,
Des baisers. 😉
PS.1 : Les pouvoirs publiques ont mis en ligne un site qui donne des clés pour faire cesser les situations de harcèlement sévères : www.nonauharcelement.education.gouv.fr
PS.2 : On peut également composer le numéro vert 3020, une ligne gratuite et anonyme destinée aux parents, professionnels et victimes de harcèlement. Un numéro où des psychologues ou des professionnels du système éducatif répondent et accompagnent les appelants dans leurs démarches ou signalements pour lutter contre une situation de harcèlement.
Oh oui ça me touche ce sujet ! Merci pour toutes ces pistes intéressantes ! Pour en avoir fait les frais au collège… Pour mon fils qui a été victime et agresseur à l’école. Jeunes, j’avais pris le parti de devancer les moqueries en faisant de l’auto-dérision, pas idéal pour la confiance en soi mais au moins, je voulais l’herbe sous le pied des méchants. Avec mon fils, y a plusieurs choses qu’on fait : lui rappeler que taper et autres méchancetés font mal, au coeur et au corps, ne doivent pas être tolérées et donc doivent être dénoncées à un adulte. Pour cela, le livre de Françoise Dolto sur la violence est top, adapté à son âge et balaie les différentes formes de violences (des conflits entre enfants, aux disputes parentales en passant par les chatouilles non voulues). Dire non ou stop (et pour nous de s’y tenir concernant les chatouilles ou bisous). Et en dernier lieu, on lui a dit qu’il pouvait être amené à se défendre physiquement, l’idée étant surtout de repousser l’enfant qui l’embête ou bloquer un coup. Même si je déteste la violence physique, je ne veux pas qu’il se sente impuissant physiquement. Mais après avoir travailler 5 ans auprès de jeunes filles victimes d’abus sexuels, c’est aussi la violence de l’adulte envers l’enfant qui m’inquiète et au sujet de laquelle je suis hyper vigilante.
Merci pour ton témoignage ! Très intéressant tes retours comme toujours. 😉
J’apprends aussi à mon titi à repousser ou bloquer les gestes plus violents. Et bien sûr à informer un adulte référant. Tout pareil !
Mais, je pense aussi à plus tard… Je crois que c’est vers le CM1 que les enfants se confient moins aux adultes référants. Et c’est là, que ça se complique s’ils ne savent pas se défendre.
Enfin, y a des choses à travailler. Leur histoire ne fait que commencer. 😉
Merci 🙂 Merci à toi surtout pour tes articles de fonds sur des sujets difficiles.
C’est vrai que le mien est encore petit mais on pense aussi à l’avenir. J’ai des clés pour bien le préparer maintenant 😊👍
J’ai été surprise de la violence déjà des petits à son arrivée en maternelle, rien à voir avec les morsures et autres de la crèche. En là ça m’a frappée, qu’étant souvent élevés dans la violence éducative ordinaire, c’est assez logique qu’ils reproduisent ce qu’ils connaissent. Comment demander à un enfant de ne pas crier ou taper si lui-même ce fait crier dessus ou taper. Ce qui m’a conforté dans mon choix de ne pas être dans cette démarche (même si y a des ratés parfois sur ma manière de lui parler de temps en temps – work in progress).
On se comprend bien. 🙂
Cela reste une situation très compliquée à gérer pour les parents et surtout à vivre pour les enfants. Mon Grand a connu 2 harceleurs dans sa scolarité, je peux te dire qu’il s’en souvient encore….
Dingue ! Et il gère ça comment avec le recul ?
Olala, je découvre ce blog et toutes ces richesses. Merci de ce partage, de ces clefs, de ces retours d’expérience qui permettent un recul sur notre propre situation…
Je suis arrivée ici par hasard, en cherchant des DIY pour mon fils (3 ans), notamment une boîte à humeur… et je suis restée dessus à lire les sujets qui venaient…
Tout est intéressant.
En même temps, pour rester dans ce sujet du harcèlement, je trouve votre façon de procéder très intéressante: commencer tôt à mettre en place des automatismes à la maison, d’explication, de référence… L’aider à mettre des mots (ni blessants, ni de jugement) et des phrases pour répondre à une remarque blessante/méchante. C’est formidable. De mon côté, je suis juste freinée car je trouve tout cela formidable mais je ne sais pas si je pourrais les mettre en pratique. Difficile de trouver la phrase « correcte » pour l’aider à répondre. Difficile de garder le bon ton à la maison et de rester toujours « ouvert » pour l’aider à prendre du recul et l’accompagner.
C’est bien pour cela que j’étais à la recherche d’une boîte à humeur, pour l’aider à exprimer ses sentiments du moment et lui expliquer les nôtres quand parfois ça déborde (notamment au moment du couché où il est capable de rester dans son lit à parler et jouer avec ses peluches et à nous solliciter jusqu’ 23h oO (il faut changer la couche, il veut boire, etc… moment où je craque car plus de soirée, ni ce précieux moment de détente pour souffler… Du coup, cris et pas attitude positive ou constructive…. Je suis un peu désemparée pour lui expliquer les choses.
Comme j’ai lu que le moment du couché représentait une phase de séparation pour les enfants, on lui a offert un album photos peluche avec des photos de lui et de nous pour qu’on soit toujours avec lui… Mais non, ça ne fonctionne pas. Du coup, il s’endort tard, souvent on a crié, et il est crevé le lendemain, donc plus difficile… Cycle infernal!!!!
Pardon de cet épanchement, je note bien toutes vos réflexions sur ce sujet que je trouve important.
Merci beaucoup.
Merci pour ce commentaire plein de sincérité et d’humilité. J’ai connu aussi le problème du coucher et pour le rassurer j’avais pris l’habitude de lui dire que nous étions dans la pièce à côté, que tout allait bien se passer et qu’il allait très bien dormir parce que c’était normal et qu’en dormant la nuit en reprenait des forces pour courir, apprendre et jouer le jour. Et je terminai toujours en lui disant à demain matin au petit déjeuner. Je lui « fixais » ainsi un rendez-vous qui le rassurait. #astuce ! Bon courage à toi et bonne lecture 😉 Ravie de t’accueillir parmi mes lectrices.